Carte blanche : Une politique responsable pour les personnes avec déficience intellectuelle et troubles de santé mentale
En Belgique, en 2025, des personnes avec déficience intellectuelle vivent pendant des mois, voire des années… en psychiatrie. Pas parce que c’est le meilleur endroit pour elles. Mais parce qu’il n’y a pas de place ailleurs. Ce n’est pas une fatalité. C’est un choix politique – ou plutôt, un non-choix.
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Une politique responsable pour les personnes avec déficience intellectuelle et troubles de santé mentale
En Belgique, les personnes présentant un Double Diagnostic fait d’une déficience intellectuelle associée à des problèmes de santé mentale sont trop souvent confinées dans des institutions psychiatriques faute de solutions résidentielles adaptées. Ce constat alarmant soulève des enjeux à la fois humains, sociaux et économiques. Si l’institution psychiatrique peut répondre à des crises aiguës, elle n’est ni conçue ni appropriée pour permettre à ces personnes de développer une autonomie optimale et de mener une vie qualitative et inclusive.
Selon l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), la prévalence globale du handicap intellectuel se situe entre 1 et 3 % de la population. Parmi cette population, la prévalence des troubles de santé mentale y est nettement plus élevée que dans la population générale (www.kce.fgov.be). De plus, une proportion significative présente des comportements problématiques (« comportements-défis »), souvent liés à des environnements inadaptés ou des difficultés de communication, compliquant leur prise en charge.
Dans les suites de l’étude de l’Institut Wallon de Santé Mentale (Minotte et Gosselin, 2012), de l’avis 9203 du Conseil Supérieur de la Santé (www.hgr-css.be), le KCE met en évidence des obstacles majeurs à l'accès aux soins de santé, notamment un manque de formation spécifique des soignants, des infrastructures inadaptées et des difficultés de communication. Le rapport appelle à des actions urgentes pour améliorer cet accès et garantir des soins adaptés à ces besoins complexes.
Un lieu inadapté à la reconstruction et à l’autonomie
La psychiatrie, dans sa mission principale, est destinée à traiter des situations de crise ou des troubles aigus nécessitant une prise en charge médicale intensive et temporaire. En revanche, pour les personnes avec une déficience intellectuelle, les institutions psychiatriques :
- Limitent l’autonomie : L’organisation rigide et la focalisation sur les soins médicaux ne permettent pas d’exploiter pleinement les compétences et le potentiel des personnes concernées.
- Stigmatisent : Être hospitalisé à long terme dans un tel cadre renforce une perception erronée de ces personnes comme malades mentales, ce qui isole davantage.
- Empêchent la progression : Ces lieux, centrés sur la gestion des troubles, ne favorisent pas les apprentissages nécessaires pour préparer une vie plus autonome.
Un coût financier et social insoutenable
Maintenir ces personnes dans des institutions psychiatriques représente également une charge importante pour la société :
- Un coût disproportionné : Une hospitalisation psychiatrique mobilise des ressources financières et humaines considérables, souvent supérieures à celles nécessaires dans une résidence adaptée ou un cadre communautaire.
- Un blocage des ressources : Ces hospitalisations longues occupent des lits nécessaires pour les patients en situation de crise aiguë, aggravant la saturation des services psychiatriques. Ces mêmes patients en crise se retrouvent alors en errance pendant parfois des mois, avec des procédures d’hospitalisation contraintes dans des services non adaptés, et où la seule solution est alors parfois de recourir à une camisole chimique difficilement acceptable sur le plan éthique.
- Des hospitalisations épuisantes pour les équipes de soins : Le nombre de lits disponibles dans ces unités dites « double diagnostic » ne parvient pas à répondre à la demande de cette population. Cela entraîne la priorisation à des situations urgentissimes, avec une violence difficilement soutenable au sein des équipes de soin, et dans des services se voulant spécialisés, mais avec des lacunes en termes d’encadrement (pas d’éducateur prévu au sein des normes définissant ces unités, temps paramédical trop faible).
Une double peine pour les personnes concernées
Outre l’inadaptation du milieu psychiatrique, ces patients sont victimes d’une injustice systémique dans l’accès à des solutions résidentielles adaptées :
- Pas de priorité pour sortir de l’hôpital : Dans les critères d’attribution des places résidentielles de l’AVIQ (Agence pour une Vie de Qualité), le fait d’être hospitalisé dans une institution psychiatrique ne confère pas de priorité particulière. Ainsi, ces personnes, déjà marginalisées, voient leur parcours de vie encore davantage entravé. Pire encore, les hospitalisations peuvent être considérées comme un lieu de vie pour le patient dont les délais d'attente vers une structure résidentielle peuvent se voir encore allongés.
- Une situation bloquée : Cette absence de priorisation prolonge leur séjour en psychiatrie, aggravant leur exclusion sociale et leur dépendance à des soins inappropriés sur le long terme, avec apparition de nouveaux symptômes voire l’aggravation des troubles psychiatriques, parfois liés à leur désespoir de ne pas pouvoir trouver de lieu de vie.
- Un accès d’autant plus difficile aux soins somatiques (physiques) : S’il est déjà bien documenté que les patients avec des troubles psychiatriques ont des difficultés à avoir accès aux soins physiques, la situation est encore bien plus problématique chez les personnes en situation de handicap, a fortiori présentant des troubles du comportement. Le rapport du KCE fait état de cette situation et nous ne pouvons que déplorer l’absence ou du moins la pauvreté des initiatives favorisant cet accès aux soins.
Des pistes pour une politique plus équitable
Pour remédier à cette situation, il est essentiel que les décideurs politiques agissent sur plusieurs fronts :
- Développer des solutions résidentielles adaptées : Investir dans des structures spécialisées pour les personnes avec un double diagnostic, où elles peuvent recevoir un accompagnement éducatif, social et thérapeutique adapté à leurs besoins.
- Prioriser les sorties d’hôpital : Modifier les critères d’attribution des places résidentielles pour que les personnes hospitalisées dans des institutions psychiatriques deviennent une priorité absolue dans l’accès à des résidences adaptées.
- Sensibiliser les professionnels : Former les équipes soignantes et les acteurs de l’AVIQ aux spécificités du double diagnostic pour mieux identifier les solutions pertinentes et réduire la durée des séjours en psychiatrie.
- Alléger la pression sur les institutions psychiatriques : En développant ces solutions alternatives, non seulement les patients concernés bénéficieraient d’un cadre plus adéquat, mais cela libérerait des ressources pour les patients en crise aiguë, améliorant ainsi l’efficacité globale du système. Nous pensons que les normes d’encadrement de ces services doivent être revues au vu des bonnes pratiques actuelles, afin qu’une personne en situation de handicap puisse être soignée dignement, au même titre que n’importe qui. Cela permettrait aux équipes de soin d’être outillées afin de pouvoir apaiser les patients.
- La mise en œuvre des pistes d’accès aux soins physiques, telle qu’évoquée par le KCE : La réflexion à des aménagements concernant l’accès aux soins permettrait une réduction de l’errance diagnostique et des troubles comportementaux dont la cause est fréquemment uniquement ou partiellement liée à une problématique de santé physique. Elle permettrait d’éviter des hospitalisations inutiles en psychiatrie, avec des procédures parfois très violentes et injustifiées.
Une responsabilité politique et sociétale
Les lacunes dans la prise en charge des personnes avec un double diagnostic sont dues à une politique publique qui ne donne pas aux soignants les moyens d’agir. Ce sont les choix politiques – ou leur absence – qui déterminent l’offre de soins et d’hébergement. Maintenir ces personnes dans des institutions psychiatriques est un choix par défaut, qui reflète une défaillance structurelle et non une nécessité clinique.
Ainsi, cette situation résulte de choix politiques qui n'ont pas suffisamment investi dans des solutions inclusives et adaptées. En refusant d’agir, l’État perpétue une forme d’exclusion institutionnalisée, où les personnes avec un double diagnostic sont piégées dans des environnements inappropriés, au détriment de leur bien-être et de leur inclusion sociale.
Nous appelons les autorités compétentes à assumer pleinement leur responsabilité et à mettre en œuvre des politiques qui répondent aux besoins réels de ces citoyens. Une société inclusive se mesure à sa capacité à offrir à chacun, y compris les plus vulnérables, une vie digne, autonome et épanouie.
Signataires : Des citoyens concernés, des familles, des professionnels de la santé et des défenseurs des droits des personnes en situation de handicap.
Professionnels à l’initiative de la carte blanche
- Dr Martin Desseilles, directeur du département de psychologie UNamur et Médecin Chef à la Clinique Psychiatrique des Frères Alexiens
- Dr Maxime Lognoul, Médecin Chef de Service Perce-Neige, Clinique Psychiatrique des Frères Alexiens
- Joëlle Berrewaerts, docteur en psychologie, collaboratrice didactique, Département de psychologie, UNamur
Avec des collègues, familles, soignants et citoyens, nous portons une carte blanche pour demander :
• des lieux de vie adaptés pour les personnes avec double diagnostic (déficience intellectuelle + troubles de santé mentale)
• une priorité de sortie de l’hôpital vers des structures résidentielles
• une vraie formation et des moyens pour les équipes
• un meilleur accès aux soins somatiques pour ces personnes
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Contact :
DESSEILLES MARTIN
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081/72.41.58
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martin.desseilles@unamur.be
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