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Un nouveau type de détecteur d’ondes gravitationnelles pour dénicher des trous noirs de la taille d’une balle de tennis, venus tout droit du Big-Bang

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Illustration qui évoque la déformation de l'espace-temps autour de la boucle du Cygne par deux trous noirs.

Une équipe de chercheurs composée de physiciens et mathématiciens de l’UNamur, de l’Université libre de Bruxelles (ULB) et de l’Ecole Normale Supérieure (ENS) de Paris-Saclay, propose une expérience innovante qui permettrait de détecter des trous noirs primordiaux de la taille d’une balle de tennis. Une telle découverte pourrait révolutionner notre compréhension du cosmos !

English version available here...

« Détecter les trous noirs primordiaux, c’est ouvrir de nouvelles perspectives pour comprendre l’origine de l’Univers, parce que ces trous noirs encore hypothétiques se seraient formés à peine quelques fractions infimes de seconde après le Big Bang. Leur étude représente un grand intérêt pour la recherche en physique théorique et en cosmologie, parce qu’ils pourraient notamment expliquer l’origine de la matière noire dans l'Univers ». En détaillant les perspectives qu’ouvre leur recherche, l’équipe emmenée par le Professeur André Fűzfa, astrophysicien à l’UNamur, a des étoiles plein les yeux.

Ce projet est le fruit d'une collaboration inédite entre l'UNamur et l’ULB, à laquelle s'ajoute l’ENS grâce à l'implication d'un étudiant stagiaire, Léonard Lehoucq.  L'idée était de combiner l’expertise de l’UNamur dans le domaine des antennes à ondes gravitationnelles, une idée brevetée par le Professeur Fűzfa en 2018 et étudiée par Nicolas Herman dans le cadre de son doctorat, à celle de l'ULB dans le domaine en plein essor des trous noirs primordiaux, dont le Professeur Clesse est un des acteurs centraux.  Ils viennent ainsi de développer une application de ce type de détecteur à l'observation de "petits" trous noirs primordiaux. Leurs résultats viennent d’être publiés dans la revue Physical Review D.  « A ce jour, ces trous noirs primordiaux restent encore hypothétiques, car il est difficile de faire la différence entre un trou noir issu de l'implosion d'un cœur d’étoile et un trou noir primordial.  Observer des trous noirs plus petits, de la masse d'une planète pour une taille de quelques centimètres, permettrait de faire la différence », explique l’équipe de chercheurs. « Nous proposons aux expérimentateurs un dispositif qui pourrait les détecter, en captant les ondes gravitationnelles qu’ils émettent en fusionnant et qui sont de beaucoup plus hautes fréquences que celles actuellement accessibles », poursuivent-ils.

Par quelle technique ? En utilisant une "antenne" à ondes gravitationnelles, composée d’une cavité métallique spécifique et adéquatement plongée dans un puissant champ magnétique extérieur. Lorsque l’onde gravitationnelle passe à travers le champ magnétique, elle génère des ondes électromagnétiques dans la cavité.  En quelque sorte, l’onde gravitationnelle fait « siffler » (résonner) la cavité, pas avec du son mais avec des micro-ondes.

Un montage de ce type, d’une taille de seulement quelques mètres suffirait pour détecter des fusions de petits trous noirs primordiaux à des millions d'années-lumière de la Terre. L’appareil proposé est beaucoup plus compact que les détecteurs habituellement utilisés (interféromètres LIGO, Virgo et KAGRA) qui mesurent plusieurs kilomètres de long.  La méthode de détection le rend sensible aux ondes gravitationnelles de très haute fréquence (de l'ordre de 100 MHz, comparé à 10-1000 Hz pour LIGO/Virgo/Kagra), qui ne sont pas produites par les sources astrophysiques ordinaires comme les fusions d'étoiles à neutrons ou de trous noirs stellaires.   C'est par contre idéal pour la détection de petits trous noirs, de la masse d'une planète et dont la taille va d'une petite bille à une balle de tennis.  

« Notre proposition de détecteur combine des technologies bien maîtrisées et présentes dans la vie de tous les jours comme les magnétrons des fours à micro-ondes, les aimants d’IRM et les antennes radios.  Mais ne démontez pas tout de suite vos appareils ménagers pour vous lancer dans l’aventure : consultez d’abord notre article pour commander votre matériel, comprendre le dispositif et le signal qui vous attend en sortie. », plaisantent les chercheurs.
 

Cette technique brevetée est pour l’instant au stade de la modélisation théorique avancée, mais comporte tous les éléments nécessaires pour entrer dans un phase plus concrète, avec la construction d’un prototype. Elle ouvre en tout cas la voie à des recherches fondamentales sur l’origine de notre Univers.  Outre les trous noirs primordiaux, ce type de détecteur pourrait aussi observer directement les ondes gravitationnelles émises au moment du Big-Bang, et ainsi sonder la Physique à des énergies bien plus élevées que celle qui peut être atteinte dans les accélérateurs de particules.  Découvrez l'abstract de l'article dans Physical Review D...

Pour mieux comprendre

Découvrez aussi deux animations créées par l’équipe de recherche. La première est une simulation qui combine trois animations, la fusion des trous noirs primordiaux, l’onde gravitationnelle traversant le détecteur et la puissance électromagnétique induite dans celui-ci. La deuxième est la traduction en son audible du signal entrant dans le détecteur et sa réponse, support visuel à l’appui.

 

Une onde gravitationnelle est l’équivalent pour la gravité de la lumière pour la force électromagnétique : c’est l’interaction qui se propage. Là où la lumière (ondes électromagnétiques) fait vibrer des charges électriques sur son passage, les ondes gravitationnelles, elles, font vibrer la matière et l’énergie. Autrement dit, une onde gravitationnelle est une distorsion de l’espace-temps prédite par Albert Einstein dans le cadre de la Relativité Générale.  Elle se propage dans l'Univers à la vitesse de la lumière et peut être produite par des objets compacts en orbite rapprochée, comme lors de la fusion de trous noirs.  Leur première détection directe remonte à septembre 2015, par l’expérience Advanced LIGO/Virgo (couronnée du Prix Nobel de Physique en 2017).  Lors de son passage dans un champ magnétique intense, une onde gravitationnelle génère un très faible signal électromagnétique, qui pourrait être observé grâce à des détecteurs spécifiques.

Un trou noir est un objet astrophysique tellement compact que même la lumière ne peut pas s’en échapper.  Depuis une vingtaine d’années, les observations suggèrent que ces astres extrêmes existent bel et bien.  Leur taille est directement proportionnelle à leur masse.   Par exemple, un trou noir de trente masses solaires issu de l'explosion d'une étoile en supernova « mesure » environ 180 km.    On a découvert également des trous noirs supermassifs au centre des galaxies (prix Nobel de physique 2020), jusqu'à plusieurs milliards de fois plus massifs que le soleil.  A l'inverse, les étoiles ne peuvent former de trous noirs plus légers que 1,4 fois la masse du soleil et de la taille d'une ville.  L’observation d’un "petit" trou noir serait le signe d'une origine exotique, vraisemblablement primordiale.  

Un trou noir primordial est un type particulier de trous noirs qui pourraient se former très tôt dans l’histoire de l’Univers, à l’occasion de différents processus qui ont modelé les interactions fondamentales et la formation des particules.  Ils ont pu survivre jusqu’à aujourd’hui et constituer une partie, voire la totalité de l’énigmatique matière noire. Certaines observations intrigantes, comme celles de de LIGO/Virgo (ondes gravitationnelles) ou de OGLE (microlentilles gravitationnelles), pourraient être expliquées par de tels trous noirs primordiaux.  

L’équipe de recherche

Les auteurs de l’article publié dans Physical Review sont :

  • Nicolas Herman (UNamur) : Mathématicien, doctorant au sein du Département de Mathématique et Namur Institute for Complex Systems (naXys), UNamur.
  • André Fűzfa (UNamur) :  Astrophysicien, Cosmologue, Inventeur pour l’occasion  et Professeur au Département de Mathématique, membre du Namur Institute for Complex Systems (naXys), UNamur.
  • Léonard Lehoucq (UNamur, ENS Paris Saclay) : étudiant en Master 1 de l’Ecole Normale Supérieure Paris-Saclay, en stage de recherche à l’UNamur.
  • Sébastien Clesse (ULB) : Astrophysicien et Cosmologue, Professeur au Service de Physique Théorique de l'Université libre de Bruxelles.

Contacts

Sébastien Clesse: | Nicolas Herman: nicolas.herman@unamur.be | André Füzfa: andre.fuzfa@unamur.be