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Des professeurs et des chercheurs modélisent l’expansion du coronavirus en Belgique et projettent les scénarios de demain

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Modèles complexes

A l’initiative de l’Université de Namur, des chercheurs et professeurs de plusieurs universités francophones collaborent et partagent leurs savoirs pour modéliser des scénarios, notamment de déconfinement, et aider à la prise de décision.

Un consortium interuniversitaire et interdisciplinaire a vu le jour, à l’initiative de naXys, l’Institut de recherche Namurois des systèmes complexes (UNamur), qui, depuis plusieurs semaines, étudie l’évolution de la situation en Belgique. Une équipe de professeurs et de chercheurs a créé plusieurs modèles pertinents qui reposent sur des données statistiques fournies par Sciensano, qui encourage l’initiative. Une démarche similaire est à l’œuvre du côté néerlandophone du pays.

Les modèles projettent les situations que nous serons amenés à vivre en Belgique selon les décisions des autorités. Ils prédisent les scénarios de demain. Ces estimations comprennent une tendance moyenne et des intervalles peuvent être calculés donnant une idée de « bornes de confiance » entre lesquelles on devrait se situer. Les modèles permettent des simulations à court terme mais également à plus long terme si, par exemple, on cherche à évaluer l’évolution de l’épidémie pendant les vacances d’été. Chaque modèle peut être adapté à un objectif particulier. Évidemment, chacun a ses limites et prend en considération certaines hypothèses.

Deux types de modèles

Il y a deux grands types de modèles. Dans le premier type, la population est séparée en différentes catégories de personnes (appelées les compartiments). Tous les modèles épidémiologiques de ce type possèdent au moins trois compartiments : les personnes saines et susceptibles d’être infectées (S), les personnes actuellement infectées (I) et les personnes qui ne participent plus à la propagation du virus, car elles sont soit guéries ou décédées (R pour recovered ou removed). Le modèle de base s’appelle donc un modèle SIR. Trois modèles de ce type ont été créés incluant plus ou moins de compartiments. Dans le deuxième type de modèle, chaque personne est considérée individuellement. C’est ce qu’on appelle des simulations basées sur "l’agent".

Les chercheurs du consortium ont modélisé différents scénarios afin d’évaluer ce qui aurait pu se passer, ce qu’il s’est passé et ce qui pourrait se passer. 

Ce qui aurait pu se passer

Si le gouvernement n’avait pas pris de mesures de confinement le 14 mars, on aurait assisté à une croissance exponentielle des contaminations avec une saturation de la capacité hospitalière dès la fin mars. A l’inverse si les mesures de confinement avaient été strictement respectées, on aurait assisté à une réduction importante du nombre d’hospitalisations (moins de 10 par jour et mois de 200 hospitalisation aujourd’hui). Les modèles montrent également que si le gouvernement avait pris les mesures quatre jours plus tard, l’effet aurait été très important sur le nombre d’hospitalisations et de décès. Par ailleurs, le déconfinement n’aurait pas été possible avant les mois de juin/juillet.

Ce qu’il s’est passé

Les chercheurs se sont également intéressés à l’évolution réelle de la situation. Tous les paramètres des modèles ont été adaptés pour être au plus proche de la réalité. Ces modèles permettent par exemple de mesurer et de prédire le nombre de patients hospitalisés en soins intensifs, le nombre de décès à l’hôpital, en maison de repos ou par classes d’âge.

Ce qu’il pourrait se passer dans la phase de déconfinement

Les chercheurs ont envisagé plusieurs scénarios possibles. Le premier scénario, qui ne se produira pas, montre qu’en cas de déconfinement total aujourd’hui, nous aurions pu connaître un nouveau pic d’hospitalisation beaucoup plus important que celui que nous avons connu dans les 15 jours. Un second modèle permet d’envisager les scénarios futurs en fonction de l’évolution du R0 (nombre de personnes qu’une personne infectée peut infecter) qui va évoluer au fur et à mesure des différentes phases de déconfinement. Aujourd’hui celui-ci tourne autour de 0,8. Ce modèle permettra par exemple d’évaluer s’il est nécessaire de reprendre des mesures de confinement en fonction de l’évolution de R0.  Notons qu’à partir du moment où une mesure de déconfinement est introduite, il faut compter environ 15 jours pour pouvoir réaliser des analyses sur les chiffres et prédire s’il va y avoir un rebond. Il faut également compter 10 jours avant de voir les effets des nouvelles mesures. Il est donc essentiel de monitorer la situation au quotidien.  

Comparaison des stratégies de confinement

Les derniers modèles présentés visent à comparer les stratégies de déconfinement. A partir de la structure sociale d’un pays, une stratégie de déconfinement peut être plus ou moins efficace et donc très différentes d’un pays à l’autre. Ils s’intéressent non seulement aux structures par classes d’âge mais aussi aux interactions sociales entre les classes d’âge qui existent à l’intérieur du pays. Le gouvernement dispose de trois instruments sur lesquels jouer : l’ouverture de l’économie, le degré de distanciation sociale, le nombre de tests qui peuvent être réalisés. Ces modèles mettent en évidence qu’il est essentiel de tenir compte des spécificités du pays. Appliquer les mesures des autres pays ne permet donc pas de garantir le même résultat.

Quatre messages clés

Ces différents travaux montrent que la modélisation mathématique est extrêmement importante, qu’elle contribue à l’analyse des mesures mises en place et aide à prévoir l’évolution de l’épidémie. Ils montrent également qu’il est essentiel de sensibiliser le public à l’importance du respect des mesures et de prendre en compte les spécificités du contexte belge. Grâce à leurs travaux, les scientifiques de ce nouveau consortium peuvent effectuer le monitoring journalier de l’épidémie en phases de post-confinement mais cela nécessite un accès rapide aux données disponibles.

Prédire l’avenir est donc désormais possible

Après avoir construit ces premiers modèles, d’autres vont voir le jour. Les collaborations interuniversitaires vont permettre d’étudier de nombreux autres cas de figures. Des études et projections en cours, à haute valeur ajoutée, permettront, à très court terme, d’aider les décideurs à choisir les meilleures options pour ce secteur en grande difficulté.

Membres du consortium

UNamur

·       Morgane Dumont (morgane.dumont@unamur.be)

·       Timoteo Carletti (timoteo.carletti@unamur.be)

·       Sébastien Clesse (sebastien.clesse@unamur.be)

·       Nicolas Franco (nicolas.franco@unamur.be)

·       Catherine Linard (catherine.linard@teams.unamur.be)

·       Alexandre Mauroy (alexandre.mauroy@unamur.be)

·       Jean-Philippe Platteau (jean-philippe.platteau@unamur.be)

·       Annick Sartenaer (annick.sartenaer@unamur.be)

·       Vincenzo Verardi (vincenzo.verardi@ulb.ac.be)

 

Hors UNamur

·       Olivier Debauche (UMons) (olivier.debauche@umons.ac.be)

·       Marius Gilbert (marius.gilbert@ulb.ac.be)

·       Emmanuel Hanert (UCLouvain) (emmanuel.hanert@uclouvain.be)

·       Raphaël Lagasse (médecin épidémiologiste, professeur à l’ESP-ULB, consultant épidémiologiste pour le GHdC) (rlagass@gmail.com)

·       Niko Speybroeck (UCLouvain) (niko.speybroeck@uclouvain.be)

·       Nicolas Vandewalle (ULiège) (nvandewalle@ulg.ac.be)

 

GEES et Sciensano

·       Niel Hens (niel.hens@uhasselt.be)

·       Steven Abrams (steven.abrams@uhasselt.be)

·       Toon Braeye (Toon.Braeye@sciensano.be)

·       Marius Gilbert (marius.gilbert@ulb.ac.be)