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Le confinement des Killifish

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Nothobranchius furzeri. Le mâle en avant plan la femelle en arrière-plan (photo de Antoine Wittorski)

Le laboratoire de Frédéric Silvestre (LEAP, Laboratory of Evolutionary and Adaptive Physiology), chercheur à l’URBE (Unité de Recherche en Biologie Environnementale et Evolutive), tente de comprendre comment les changements de l'environnement affectent les organismes, et comment ceux-ci peuvent s'adapter et évoluer. Durant la période de confinement, un tour de garde a été établi.

 

Le labo travaille essentiellement sur deux espèces de Killifish : le Nothobranchius furzeri, aussi appelé le Killifish Turquoise dû aux reflets bleutés que laissent apparaitre ses écailles et le Kryptolebias marmoratus ou Killifish des Mangroves.

Durant la période de confinement, un tour de garde a été établi.  Ainsi, Antoine Wittorski, Ivan blanco et Valentine Chapelle se rendent au laboratoire pour prendre soin de leurs petits protégés.  Dès lors, au lieu de travailler en équipe comme ils en ont l’habitude, ils se relaient pour s’occuper seuls de l’entièreté de l’installation et ainsi procurer des conditions optimales à l’élevage.

 

Ils focalisent leur attention sur 3 points clefs :

·         L’évaporation de l’eau : le système étant en circuit fermé (eau reconstituée) il est primordial de veiller à ce que le niveau ne diminue pas et que les différents filtres restent immergés ;

·         Les paramètres physicochimiques du système : il faut veiller à garder une conductivité de 600µs, un ph de 7 et une température de 25°C dans un cycle de luminosité 12 :12 ;

·         La reproduction : ils récoltent les œufs afin d’induire la diapause et les entreposent sur un substrat humide mais non immergé à 17°C dans le noir complet. Ceci permet de stocker des œufs fécondés pour une période allant de 12 à 18 mois.

 

Enfin, les espèces sont nourries aussi souvent que nécessaire avec des Artemia salina (une espèce de crustacé ressemblant à une petite crevette) fraichement éclos. La quantité d’Artemia fournie à chaque poisson est d’environ 3 ml. Cette séance de nourrissage permet de visualiser les poissons et ainsi continuer le suivi individuel de leur état de santé (mort naturelle, déséquilibre, dépigmentation, etc.). Trois aquariums d’environ 15l sont utilisés pour l’élevage quotidien des Artemia. Ils sont nettoyés une fois par semaine afin d’optimiser leur production et ainsi, maximiser la quantité de nourriture disponible pour les Killifish.

 

Des Killifish, pour quoi faire ?

 

L’habitat naturel de K. marmoratus s’étend des mangroves de la Floride à celles du Brésil. Il représente la seule espèce de vertébrés connues pour se reproduire par autofécondation. Il produit ainsi, après plusieurs cycles d’autofécondation, une lignée hautement homozygote et isogénique. Cette caractéristique unique fait du K. marmoratus un modèle idéal pour étudier les effets de l’environnement sur diverses phénotypes (comportementaux, morphologiques, physiologiques, etc.) tout en isolant le facteur confondant lié à la génétique.

 

Le Killifish turquoise vit dans des points d’eau éphémères le long de la rivière Limpopo s’étendant du Mozambique au Zimbabwe. Afin de perpétuer l’espèce entre deux périodes de sécheresse durant parfois plus de 6 mois, ce petit poisson d’eau douce a développé une stratégie de développement tout à fait particulière. Protégé par un épais chorion, l’embryon dans son œuf est capable de rentrer dans une pause développementale que l’on appelle « diapause ». Cette diapause peut durer de quelques mois à quelques années et permet ainsi à l’embryon de survivre même si sont environnement est complètement asséché. Lorsqu’il éclot, le poisson adopte la stratégie de vivre vite et mourir jeune. Ainsi en trois semaine à peine, il atteint la maturité sexuelle et passera ensuite 3 à 6 mois à se reproduire intensément avant de mourir de « vieillesse ». Même si c’est le vertébré possédant l’espérance de vie la plus courte, il passera par un grand nombre de stades de vieillissement connu chez d’autres vertébrés, comme la cécité, une perte de la mobilité, une déformation de la colonne, le développement de cancer ou autres maladies souvent liées à la vieillesse. Cette stratégie d’adaptation fait de lui un modèle idéal pour étudier l’impact d’un stress environnemental sur tous les stades de développement de l’individu : de l’embryon au vieil adulte.

 

Projet CDR FNRS de F. Silvestre : L'origine épigénétique de la variabilité de traits comportementaux chez un poisson pratiquant l'auto-fécondation : le rivulus des mangroves

L’entretien de K. marmoratus est facilité par le système d’élevage. En effet, ces poissons d’environ 5cm sont adaptés à l’eau stagnante, aucun système de pompe, de flux, ou de filtre n’est nécessaire facilitant ainsi l’hébergement. Les aquariums, d’environ 10x10cm se trouvent dans une salle thermorégulée de l’URBE possédant des conditions contrôlées : une ventilation, une photopériode de 12:12h et une température moyenne de la pièce de 26,6 ± 1°C. Les rivulus sont élevés individuellement dans un contenant avec 300ml d’eau dont la température est de 26,0°C ± 1°C et la salinité de 25 grammes de sel par litre ± 1. Ce système d’élevage est très stable et facile d’entretien.

 

 

L’entretien de N. furzeri demande un peu plus d’attention. En effet, en conditions de laboratoire cette espèce est plus sensible, elle demande des critères d’eau plus strictes (mélange de sels et d’eau bidistillée) ainsi qu’un courant continu passant au travers un filtre mécanique, biologique (bactérien) et ultraviolet. L’élevage se fait dans ce que l’on appelle un « stand-alone », une grande étagère sur laquelle sont connectés 16 bassins de 9l.

 

N. furzeri est une espèce très territoriale, la cohabitation de plusieurs mâles peut aboutir à de violentes bagarres souvent mortelles. Dès lors, il existe 3 types de bassins : ceux destinés à héberger un mâle, ceux destinés à héberger plusieurs femelles, et ceux destinés à la reproduction (3 femelles pour 1 mâle).