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Nos enseignants en confinement (Covid-19) : témoignage de Vincent Englebert

Vincent Englebert est professeur en Faculté d’informatique. Il enseigne en 3e année de bachelier et en master. L’enseignement à distance faisait déjà partie de son quotidien avant la crise du Coronavirus. Comme s’est- il organisé ces dernières semaines ? Témoignage.

Comment avez-vous accueilli l’annonce de l’enseignement à distance ? Comment vous êtes-vous organisés dans l'urgence ?

L’enseignement à distance ne représentait pas une difficulté, ayant déjà pratiqué le concept par le passé, je connaissais l’exercice. J’ai plutôt vu cette contrainte comme un défi et une opportunité pédagogique pour découvrir d’autres outils. Le plus stressant est la période d’évaluation : deux cours se prêtent bien à une évaluation par vidéo conférence mais un troisième beaucoup moins.

Comment se déroulent les cours à distance, concrètement ?

Pour le cours de bachelier, cela consiste en un accompagnement individualisé de chaque étudiant dans la réalisation de son projet. Les systèmes de vidéo conférence ont ici pris le relais très efficacement. C’était même sans doute plus aisé pour les étudiants (sous réserve d’une évaluation plus scientifique). Ainsi, il ne leur était plus nécessaire de se déplacer, de trouver une borne wifi pour me démontrer leur programme sur leur portable, etc. Nous avions prévu une séance de démonstration de posters ouverte au public avec un cocktail, mais nous allons l’organiser de manière virtuelle. Ce sera juste différent, mais on regrettera bien entendu le cocktail et la rencontre de nos étudiants.

En master, l’un de mes deux cours était déjà terminé depuis février, et il était organisé en classe inversée : la matière est dispensée sous la forme d’un SPOC (Small Private Online Course) avec plusieurs heures de vidéos. Les cours sont alors consacrés à des exercices. Ce cours était déjà en phase avec les contraintes que nous impose cette crise.

Mon autre cours est un patchwork de modalités pédagogiques : cours ex cathedra, vidéos, lectures et discussions d’articles, et réalisation d’un projet par groupe. Le cours était bien avancé et j’ai juste produit plus vite que prévu quelques vidéos que j’avais envie de réaliser depuis longtemps. Pour le reste, j’accompagne mes étudiants par vidéoconférences et des espaces de discussion (rocket).

Comment vos étudiants ont-ils réagi ? Comment se sont-ils organisés ?

Lors de nos discussions, je n’ai pas décelé de difficultés particulières au niveau de mes cours, mais bizarrement, les patients n’ont jamais mal aux dents chez le dentiste... Je crains toutefois que certains étudiants n’osent pas solliciter des entrevues par vidéo conférence, c’est dommage. Aucun n’active la caméra lors des conférences. C’est leur droit mais cela rend les discussions moins naturelles. Il est plus difficile de décrypter l’expression non verbale nécessairement.

Attendons donc des évaluations plus sérieuses que des discussions informelles pour évaluer leur expérience : ils ont certainement été confrontés à davantage d’échéances, une multitude de nouveaux outils (je pense que les enseignants ont été particulièrement créatifs en cette période), et à devoir mieux gérer leur planning.

Quels sont les défis au quotidien dans l’enseignement à distance ?

La préparation des vidéos prend énormément de temps, on doit endosser simultanément les rôles de réalisateur / ingénieur du son / caméraman / acteur / perchiste / monteur / maquilleur et même décorateur ! On découvre une pléthore d’outils, qu’il faut comprendre, comparer, exploiter, ... Bien entendu ces matériaux seront recyclés et amortis dans le futur, mais leur date de « péremption » est très courte ! En particulier en informatique.

Par ailleurs, la multiplication des canaux ou modes de communication est également chronophage. Je me retrouve parfois à gérer simultanément une discussion de groupe en vidéoconférence, à interagir avec un membre sur le forum de la conférence, et à être sollicité sur d’autres forums. Et je ne parle pas du facteur qui tambourine à la porte en même temps... Le mail était, avant, le mode de communication électronique par défaut, aujourd’hui, mon GSM n’arrête pas de me notifier pour répondre à des questions sur différents canaux. On va devoir apprendre à cadrer ces usages dans des protocoles/plannings/… Mais l’issue sera très positive, il nous faut juste un peu d’entraînement et l’adoption de modus vivendi pour les uns et les autres.

Comment se passe votre quotidien en confinement ?

La vie d’ermite convient très bien à mon tempérament, mais mes étudiants et collègues me manquent. La situation est plus difficile pour la gestion de mes chercheurs ou la vie facultaire. Les membres de la Faculté ont un sentiment d’appartenance très développé, ce qui est source de nombreuses initiatives, qui émergent souvent lors d’une pause-café ou d’une rencontre fortuite. Tout cela est devenu soudainement plus compliqué. Nos relations sont devenues plus formelles. Personnellement, j’ai besoin d’un rapport plus humain avec mes chercheurs et collègues ; je suis d’un tempérament très latin...

Pour le reste, je ne me plaindrai pas. Je songe en particulier aux personnes qui ont perdu leur emploi, à celles qui doivent travailler la peur au ventre et toutes les personnes encore plus fragilisées par cette situation.

Avez-vous des anecdotes sur votre vie en confinement ?

Trois anecdotes.

Avoir donné un cours de 45 minutes d’une traite pour produire une vidéo en y ayant mis toute mon inspiration, sans hésitations, sans bégaiements. Bref, le plus beau cours de ma carrière, sauf que l’enregistrement s’était arrêté après 12 secondes. Mais la seconde prise fut encore meilleure !

Avoir organisé une pause-café virtuelle avec une quinzaine de collègues en devant jongler simultanément avec trois outils de vidéo-conférence (Webex, Teams et Jitsi). Les uns et les autres m’informant de leurs soucis techniques tantôt sur whatsapp, par mail, par forum, … Quel enfer mais quel bonheur !

Je me suis également découvert des talents d’acteur/réalisateur dans des court-métrages parodiques, mais chuuut, c’est confidentiel. Ma réputation est en jeu. Qui sait, peut-être une reconversion artistique à l’issue de la crise ?

Y a-t-il des trucs et astuces que vous avez mis en place dans votre quotidien que vous voudriez partager ?

Je fuis les sites d’information continue (web, tv, radio, …) et même les JT ; c’est anxiogène et vain. Je préfère la presse écrite et découvrir des avis de fond sur twitter en sélectionnant avec précaution mes abonnements. Ensuite, je m’astreins à respecter des périodes bien précises de travail et d’autres, dévolues aux loisirs.

Avez-vous un "merci" ou un "coup de chapeau" à faire, et si oui à qui ? 

Spontanément, je songe tout de suite à l’équipe de Benoît Muylkens qui a contribué à faciliter le diagnostic du Covid-19. L’équipe continue encore chaque jour avec des bénévoles à faire des centaines de tests dans des conditions qui ne doivent pas être faciles. Chapeau bas !

Ensuite, je pense que, dans cette aventure, chacun est un héros à sa façon, que ce soient les familles qui s’efforcent de rendre le confinement vivable, les personnes isolées et en particulier les personnes âgées, les caissières, ouvriers et autres qui continuent à travailler dans des conditions difficiles, les victimes, les étudiants, et bien sûr le personnel de santé (last but not least). Tous méritent des applaudissements.