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Lettre ouverte à la communauté universitaire de l’Université de Namur

Lettre ouverte à la communauté universitaire de l’Université de Namur

Chers et chères collègues,

Les médias relatent à plaisir les controverses nées de la demande de deux universités d’entériner dans le décret leur projet de fusion. Trois recteurs, qualifiés un peu hâtivement par le journaliste de « fronde laïque », mettent en garde contre les dangers d’une bipolarisation de notre enseignement supérieur mais la tonalité de leur carte blanche contribue elle-même à accroître ce danger. Nous refusons de toutes nos forces de nous enfermer dans un débat mené dans ces termes.

Nous, recteur et futur recteur de l’UNamur, nous considérons que notre Université, et plus généralement le monde universitaire francophone, n’a rien à gagner aujourd’hui, à prendre publiquement position dans ce débat. Toute déclaration publique sera, dans chacun de ses termes, épluchée en faveur de l’un ou l’autre camp et renforcera la bipolarisation décriée. Cette volonté sans doute  au débat public se justifie ainsi. Elle n’est pas une peur de nous affirmer mais une volonté de ne pas contribuer à alimenter un débat embarqué sous des prémisses fausses. Nombre d’entre vous réclament légitimement d’avoir notre sentiment et c’est pourquoi nous pensons devoir le faire en toute transparence vis-à-vis de vous et affirmer notre position.

La démarche de rapprochement entre deux universités est légitime a priori, elle se fonde sur la liberté d’association proclamée par notre Constitution. Cette liberté si elle est première, en particulier dans le monde de l’enseignement, n’est cependant pas absolue : des restrictions liées à l’intérêt général peuvent exister et s’appuyer sur des motifs comme la lutte contre la concurrence stérile, la volonté de maintenir une diversité d’acteurs, l’insuffisance des deniers, etc.. Le décret Paysage en recèle ainsi de nombreuses. En toute hypothèse, il incombera à l’autorité décrétale de justifier soigneusement de telles limitations et de les réduire à ce qui est strictement nécessaire à l’obtention des finalités d’intérêt général dont elle se revendique.

La traduction décrétale de la volonté de fusion pose non seulement techniquement mais au-delà plus fondamentalement un problème au décret Paysage actuel. Comme le relèvent nos collègues de trois universités, les deux protagonistes de la fusion ou absorption réclament un cadre législatif qui permette à « deux ou plusieurs universités de fusionner entre elles » (ou qui permette « l’intégration dans une université existante d’une ou plusieurs autres Universités »)  [..], « sans que l’efficacité de cette décision ne puisse être tenue en échec par l’exigence d’une décision supplémentaire de la part d’une autorité publique ». Cette possibilité qui va bien au-delà d’un mariage à deux suscite à juste titre les craintes de leurs collègues. Elle ouvre la porte à toutes sortes de manœuvres, peu importe d’où elles viennent. Nous refusons, à défaut d’une vision claire, globale et bien balisée d’une éventuelle évolution du paysage, cette porte ouverte source d’incertitudes et de stratégies concurrentielles et potentiellement de déséquilibres dans un paysage qui se précise progressivement seulement trois ans après le Décret qui le crée
 
Il n’empêche que l'analyse menée par les trois recteurs du problème et de ses conséquences sur le paysage universitaire opère clairement un déplacement "politique" des enjeux de la fusion projetée. Ce déplacement "politique" consiste à traiter sur un plan confessionnel une question de nature géopolitique, à savoir la présence de l’UCL à Bruxelles. De plus, ce déplacement risque de ressusciter un débat du passé et de bloquer tout examen serein de la question, par une radicalisation aussi inutile qu'émotionnelle de ce qui est alors présenté comme "deux camps".  En tant que recteur et futur recteur d'une Université jésuite qui vit au quotidien les valeurs d’ouverture et de souci de l’Autre, nous reconnaissons la complexité de la situation née de l'annonce de la fusion UCL/USL Bruxelles mais cette complexité, il faut  l'affronter sereinement et avec un regard vers le futur plutôt que la simplifier ou la réduire à un débat du passé.


Sans doute, la question doit elle se régler par une concertation ouverte entre institutions sans que l’argument de la consécration des pôles dans le décret ne puisse être invoqué comme cause d’exclusion a priori. Nous croyons, et l’action du pôle namurois et de notre université en est la preuve, à des pôles ouverts à la coopération y compris au-delà de ses frontières, au service des étudiants et ferment d’un développement local.

Voilà, chères et chers collègues, les raisons pour lesquelles l'Université de Namur n'a pas souhaité s’engager dans un débat médiatique posé en termes qui ne sont pas les nôtres. Nous souhaitons sans naïveté continuer à travailler à la coopération ouverte entre institutions autonomes. Nous restons solidaires de toutes les Universités de la FWB et volontaires pour trouver ensemble, par la pluralité de nos regards et la qualité de notre dialogue, une voie d’avenir qui transcende les clivages. Dès la rentrée académique, nous prendrons toutes les initiatives internes et externes nécessaires qui nous permettront de mener ce dialogue d’une façon éclairée et sereine. D’autres défis, cette fois sur le plan international,  bien plus graves et difficiles à relever, attendent nos institutions de la Communauté Wallonie-Bruxelles. Relevons-les, ensemble, loyalement.

Vos dévoués

Yves Poullet et Naji Habra.