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L'origine des parchemins d'Orval : au croisement de l’histoire et des sciences exactes

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Les professeurs Olivier Deparis, Xavier Hermand, Etienne Renard et Jean-François Nieus vont étudier les manuscrits et les chartes de l'abbaye d'Orval (© Archives de l'État à Arlon et Bibliothèque Nationale du Luxembourg).

Cofinancée par l’Université de Namur et le Fonds Jean-Jacques Comhaire, une nouvelle recherche transdisciplinaire particulièrement originale va débuter dès septembre à l’UNamur. Intitulée « Autopsie d’un scriptorium : les parchemins d’Orval à l’épreuve de la bio-archéologie », cette recherche a pour objectif de caractériser, à l’aide d’analyses biologiques, chimiques et spectroscopiques, la nature exacte de ces parchemins pour mieux cerner leur provenance, leur processus de fabrication ainsi que l’histoire de l’écrit à l’abbaye d’Orval.

L’idée de ce projet de recherche est née d’une rencontre. Le Département de physique de l’UNamur est contacté en 2012 par la Bibliothèque Universitaire Moretus Plantin afin d’apporter un éclairage scientifique sur la conservation des reliures en parchemin détenues sur le site. Une équipe formée de plusieurs spécialistes (physiciens, biologistes, chimistes, historiens et restaurateurs) se constitue alors, et le projet Pergamenum21, consacré à l’étude transdisciplinaire des parchemins, voit le jour. Il bénéficie d’un financement de l’UNamur dès 2014, dans le cadre de l’appel à projets NATRIP (NAmur Transdisciplinary Research Impulsion Program). « Pergamenum21 est un groupe de chercheurs très impliqués, qui se réunissent régulièrement », explique Olivier Deparis, physicien à l’UNamur et membre coordinateur de l’équipe.

Au croisement de plusieurs disciplines

Pergamenum21 réunit plusieurs disciplines : l’histoire, bien sûr, mais aussi la physique, la chimie et la biologie. L’équipe s’inspire des méthodes développées en Grande-Bretagne par le professeur Matthew Collins (du Département de bio-archéologie de l’Université de York), en associant recherche en histoire et analyses scientifiques. Le défi consiste à mettre au point une technique non destructive fiable pour déterminer l’origine animale des parchemins. On croit savoir que la chèvre était surtout utilisée en Italie au Moyen Âge, le mouton en Angleterre, et enfin le veau en France et dans l’espace germanique. Mais tout cela reste à vérifier scientifiquement. « Les recherches ADN traditionnelles, précises, riches en information mais destructrices pour l’objet analysé, sont en effet inenvisageables pour l’étude de parchemins médiévaux. En outre, elles sont aussi très coûteuses », indique Étienne Renard, professeur au Département d’histoire.  Les chercheurs peuvent désormais s’appuyer sur les travaux de Marc Dieu, au sein de la plateforme technologique MaSUN, qui regroupe des équipements de spectrométrie de masse. Celui-ci est parvenu à établir de nouveaux marqueurs biologiques spécifiques pour identifier avec certitude, à partir de traces infimes prélevées de manière non invasive, les espèces animales dont sont issus les parchemins. « L’expertise s’est tellement développée que nous avons été approchés par la Société archéologique de Namur pour analyser le parchemin présent sur la mitre de Jacques de Vitry, au sein du Trésor d’Oignies », explique Olivier Deparis. Ce projet, Cromioss[1], est financé par la Fondation Roi Baudouin. « C’est à cette occasion que la Fondation a pris connaissance de notre travail ».

L’abbaye d’Orval et ses mystères

En 2015, une conjonction d’événements permet le lancement du projet consacré au scriptorium d’Orval.  « Nous avons participé à un colloque organisé sur l’histoire de l’abbaye,», explique Xavier Hermand, professeur au Département d’histoire. « La collection des manuscrits d’Orval, principalement conservée à la Bibliothèque Nationale du Luxembourg, représente un bel ensemble d’une soixantaine de volumes des 12e et 13e siècles, auxquels s’ajoutent des chartes de la même période conservées à Arlon ». Or l’inventaire détaillé des chartes est déjà publié et le catalogue des livres manuscrits vient d’être réalisé par le Dr Thomas Falmagne. « Puisque cet important travail d’inventaire et de description était réalisé, nous avons pensé que nous pourrions apporter un éclairage sur l’origine de la peau animale utilisée pour les confectionner et ainsi contribuer à établir la provenance des livres et des chartes de l’abbaye d’Orval », explique Jean-François Nieus, chercheur qualifié du FNRS et porte-parole du centre de recherche Pratiques Médiévales de l’Écrit à l’UNamur. Car le mystère plane aujourd’hui sur l’existence au Moyen Âge d’un scriptorium sur le site. « Nous pensons qu’il a existé, mais il n’aurait vraisemblablement fonctionné que sur une période très limitée, au 13ème siècle », ajoute le médiéviste, « il y a donc à Orval des parchemins qui ont été créés sur le site, et d’autres qui viennent de l’extérieur ».

L’objectif est d’apporter un éclairage sur la manière dont ont pu être confectionnés ces manuscrits en parchemin, que ce soit à Orval même, dans des abbayes voisines ou ailleurs en Europe. En effet, on connaît peu de choses aujourd’hui sur ces questions historiques. « Or, le parchemin est le seul support durable de l’écriture pendant la majeure partie du Moyen Âge. Le papier n’apparaît que petit à petit, à partir de la fin du 13e siècle », ajoute Jean-François Nieus. La recherche, qui débutera en septembre avec l’engagement d’un post-doctorant, devrait permettre assez rapidement d’avancer sur l’identification systématique de l’origine des peaux, afin d’assembler toutes les pièces de ce vaste puzzle. « Le projet pourra également déboucher sur d’autres applications, dans le domaine des matériaux biosourcés par exemple », conclut Olivier Deparis. Le projet est prévu pour une durée totale de deux ans. Des événements « grand public » tels que des expositions devraient par ailleurs être proposés.   



[1] Voir la vidéo réalisée sur ce projet par la Société archéologique de Namur : http://www.culturaeuropa.be/patrimoine/cromioss.html

 

Plus d'info : http://www.pergamenum21.eu/