Droits de l’enfant : "Cher Monsieur Madrane,…"
Dans le cadre de la 6ème réforme de l’Etat, certaines compétences liées à la prévention, l’aide et la protection de la jeunesse ont été transférées aux communautés. Une belle opportunité d’améliorer le secteur. Mais le ministre Madrane, qui a travaillé sans concertation avec les professionnels concernés, va-t-il réellement saisir cette opportunité ?
« Cher Monsieur Madrane… », c’est sous ce titre que le Centre Interdisciplinaire des droits de l’enfant a invité les professionnels du secteur de la jeunesse à commenter « l’avant projet de décret portant le Code de la prévention, de l’aide à la jeunesse et la protection de la jeunesse », lors d’un colloque organisé à l’UNamur.Une usine à gaz
Concernant le volet « prévention », les différents acteurs sont globalement satisfaits, remarque Jacques Fierens. En revanche, en matière de conciliation, le ministre complique lourdement la procédure, au point de faire perdre beaucoup de temps aux personnes concernées, là où il faudrait pourtant agir vite. Ainsi, le conseiller de l’aide à la jeunesse proposerait une solution. Si celle-ci est contestée, l’intéressé pourra s’adresser au directeur de la protection judiciaire, puis à la cellule de liaison, au comité de conciliation, etc. et, finalement, au tribunal de la jeunesse ! Une véritable lasagne ou plutôt « une usine à gaz, certainement engendrée par le complexe du législateur qui ne peut toucher aux pouvoirs du tribunal de la jeunesse, restée matière fédérale », commente le professeur Fierens.
Dessaisissement contraire aux droit de l’enfant et inefficace
Autre problème soulevé lors du colloque… le maintien du dessaisissement, c’est-à-dire la possibilité pour le juge de la jeunesse de se déclarer incompétent et, ce faisant, de permettre que le jeune soit jugé comme un adulte. Une mesure qui est, selon le professeur Jacques Fierens, contraire aux droits de l’enfant et qui montre clairement le refus d’admettre que la prison est criminogène. Et pourtant les statistiques le prouvent : 80% des jeunes ayant fait l’objet d’un dessaisissement ont récidivé !
Responsable à… 12 ans ?
S’il n’a pas entendu les professionnels pour rédiger son avant-projet, le ministre n’a pas non plus consulté les enfants eux-mêmes. Ce qui ne l’empêche pas de considérer ceux-ci comme responsables dès l’âge de… 12 ans ! En effet le texte prévoit que, dès cet âge là, l’enfant pourra décider, en l’absence de ses parents, de l’adéquation des mesures qui sont prises à son égard ! Certainement une mauvaise interprétation des droits de l’enfant, s’indigne Jacques Fierens. « Ne faites pas de nos enfants, ce qu’ils ne sont pas : des adultes capables d’exercer des volontés individuelles, d’exercer pleinement leur liberté. Cela risque de les isoler de leurs proches et de les rendre responsables, même pénalement, trop tôt. L’autonomie, ce n’est pas se donner à soi-même sa propre loi, c’est comprendre que l’on dépend l’un de l’autre ».
Suite à ce colloque, les membres du Centre interdisciplinaire des droits de l’enfant, composé de chercheurs de l’UNamur, de l’UCL, de l’ULB et de représentants du monde associatif, transmettront leurs commentaires sous forme de lettres adressées au Ministre Madrane. Reste à espérer qu’il s’en inspire pour saisir l’opportunité d’améliorer réellement ce secteur fondamental pour l’avenir de notre société.
Contact :
Jacques Fierens
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jacques.fierens@unamur.be