Présence à soi : s’éveiller à l’essentiel et en prendre soin
Chirurgien devenu psychothérapeute spécialisé dans l’accompagnement des patients atteints de maladies physiques, Thierry Janssen était l’invité des Grandes Conférences Namuroises. A travers son expérience, il nous invite à nous interroger sur la pression que nous nous infligeons, sur nous-mêmes, sur nos choix et leur cohérence par rapport à notre être profond.
Invité par les Grandes Conférences Namuroises, Thierry Janssen a témoigné de son expérience de vie. Une expérience qui débute dès l’enfance quand il était passionné par l’Egypte ancienne parce qu’elle était à l’écoute du monde. Contemplatif dès le plus jeune âge, il s’est éloigné de cette attitude, pris par le rythme et le stress qu’il vivait au quotidien dans ses études et sa carrière de chirurgien. « J’étais dans l’action, tout le temps, j’étais dans l’ambition, énormément, et je n’étais jamais dans le présent. Toujours demain : quand je serai docteur, quand je serai chirurgien, quand je serai professeur,... », nous confie-t-il. C’est alors qu’à 33 ans, il ressent un véritable inconfort émotionnel et physique. « J’ai commencé à devenir irritable, agressif même, alors que j’avais la réputation d’être un chirurgien plutôt courtois. » Des signaux qu’il n’a pas entendus et pourtant ceux-ci attirent notre attention sur le fait que nous ne sommes plus bien, qu’il nous manque quelque chose d’important. « On n’est jamais en colère par hasard, on est en colère parce qu’il y a quelque chose qui nous manque. Au plus la colère est importante, au plus la frustration touche à un besoin essentiel », explique Thierry Janssen.
« Dans le milieu universitaire, les ambitions personnelles sont énormes »
Thierry Janssen profite d’être dans un auditoire universitaire pour dépeindre, avec beaucoup d’humour, ce milieu qu’il connaît bien. « Dans un hôpital universitaire, dans le milieu universitaire, les ambitions personnelles sont énormes. Et dans tous ces endroits où les êtres humains jouent dans le même bac à sable, parce qu’il s’agit bien d’un bac à sable, c’est toute l’enfance qui ressort. On tape sur l’autre avec sa pelle, on prend son râteau, on pique son seau… C’est extraordinaire et j’étais particulièrement brillant à ce jeu-là […] J’étais arrivé loin dans cette tension, totalement déconnecté de mon corps et de mes émotions, dans mon mental qui me disait : « tu vas y arriver, encore cette étape là et puis tu verras ». Mais dans ces milieux professionnels, où il y a de la pression, où l’on ne valorise que la performance, on voit des gens brutalement tomber.
Burn out,
cette pression que nous nous imposons
Pour lui, le burn out n’est rien d’autre que l’épuisement de quelqu’un qui s’est persuadé qu’il devait aller au-delà de ses limites, ne ressentant pas cet épuisement qu’il finit par trouver normal. Jusqu’au moment où il tombe parce que malgré les efforts qu’il a fait, il n’y arrive pas. Ce n’est jamais suffisant parce qu’on lui en demande toujours plus, parce qu’il s’en demande toujours plus. C’est nous qui nous mettons cette pression, insiste Thierry Janssen. C’est nous qui fabriquons cette société. C’est à nous de la changer. On parle aujourd’hui d’une épidémie mondiale de burn out et de dépression, cette dernière étant l’étape où on a perdu totalement l’estime de soi et où on se résigne.
« 5 janvier 1998, date de ma « naissance consciente »
« J’ai eu la chance d’échapper à ce burn out », ajoute Thierry Janssen. Il nous raconte alors que dans les derniers mois qui ont précédé le 5 janvier 1998, date de sa « naissance consciente », il était tendu, stressé, plein d’eczéma, désagréable, envahi d’émotions comme la peur, l’anxiété et la colère. « Et comme je n’avais pas fait un petit travail sur moi, j’avais tendance à accuser le monde extérieur, à accuser l’institution hospitalière dans laquelle je travaillais. Bien sûr qu’il y avait des défauts dans cette institution, comme dans toutes les institutions. Bien sûr qu’il y avait des défauts dans cette médecine déconnectée de la vie qui traite l’être humain comme une machine. Mais il y avait aussi moi. J’accusais le monde extérieur et je n’avais pas regardé quelle était ma responsabilité dans ce que j’étais en train d’expérimenter ». Essayant de trouver une porte de sortie, il a décidé de changer d’hôpital. « Le 5 janvier 1998, je suis arrivé dans mon nouveau bureau et j’ai été pris d’une oppression, je suffoquais. J’ai alors entendu clairement ma voix qui me disait à l’intérieur : si tu restes ici, tu vas mourir. J’ai pris une feuille et j’ai écrit ma lettre de démission. C’est la plus belle chose que j’ai faite dans ma vie. »
Retrouver le silence intérieur
A travers toute son histoire personnelle, Thierry Janssen nous démontre qu’il faut écouter, qu’il faut arrêter de penser pour s’écouter soi. Il y a, selon lui, un dialogue incessant entre notre ego, cette idée de nous que nous avons construite, et une part de nous tellement plus profonde, le SOI, l’essence de l’être qui nous maintient en pleine vitalité.
Ce SOI, il l’a retrouvé grâce au « mindfulness ». Cette démarche de méditation en pleine conscience invite à ne pas alimenter le mental par un enchaînement d’idées. Elle invite à accueillir ce qui est, sans l’analyser, avec bienveillance et sans jugement, pour apaiser le mental. C’est seulement alors que nous pouvons porter notre attention sur le silence intérieur, cette source de la vie, que certains appellent Dieu, cet amour inconditionnel et infini qui est en chacun de nous. Lorsque nous parvenons à cette forme d’amour inconditionnel, être devient plus important que faire ou avoir.
« Je pense que je suis devenu prêtre »
Aujourd’hui, Thierry Janssen partage sa démarche et accompagne des personnes qui sont en souffrance physique. Il ajoute avec humour « Finalement je pense que je suis devenu prêtre, parce que je parle clairement de spiritualité ». Ce qu’il a fait ce soir-là devant un auditoire comble.
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