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Et si la faim n'était pas mauvaise conseillère chez Brucella?

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Jean-Jacques Letesson, Thibault Barbier et Kévin Willemart

Une étude menée par Thibaut Barbier, chercheur en biologie à l’UNamur, a révélé comment les bactéries pathogènes Brucella dégradent l’érythritol. Ce sucre, qu’elles consomment, favorise leur multiplication. Un résultat qui pourrait aboutir à un vaccin sans effet abortif. Cette découverte, fruit d'une collaboration interuniversitaire internationale, fait l’objet d’un article dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS).

Les bactéries pathogènes Brucella sont capables d'infecter diverses espèces de mammifères comme les bovins, les ovins, les cétacés, mais aussi l'être humain. Chez certains de ces hôtes, elles tendent à se multiplier au sein du système reproducteur et provoque en conséquence la stérilité des mâles et l'avortement des femelles gestantes. « Cette localisation dans le système reproducteur permet à Brucella de se transmettre lors de l’accouplement. Dans le cas d’un avortement, la contamination peut aussi  se faire par les voies respiratoires. Cet événement provoque, en effet, la libération d’aérosols infectés qui peuvent être inhalés par d’autres animaux », explique Thibault Barbier, chercheur en biologie à l’UNamur et co-auteur de cet article. La présence de Brucella dans le système reproducteur est depuis longtemps associée à la présence d'un sucre, l'érythritol qui stimule la multiplication de ces bactéries. Ainsi, la présence d'érythritol dans ces tissus permettrait à ces bactéries de se multiplier au bon endroit pour se propager davantage.

Une nouvelle voie de dégradation de l’érythritol

La façon dont ce sucre est dégradé par Brucella, a été décrite il y a près de 40 ans comme un processus de cinq réactions chimiques réalisées chacune par une enzyme, une protéine qui active ou accélère ces réactions chimiques. Sur ces cinq enzymes, deux n’étaient pas encore identifiées. « Outre ces inconnues, nous avons observé diverses incohérences qui nous ont amenés à revisiter cette voie et à proposer un nouveau modèle également constitué de cinq enzymes », explique Thibault Barbier. En comparaison avec le modèle initial, les deux premières réactions de la nouvelle voie sont similaires tandis que les trois dernières n'avaient jamais été décrites auparavant, tous organismes confondus.

De l’érythritol au D-erythrose-4-P

La dégradation de l’érythritol par Brucella a aussi permis de découvrir un fait étonnant. « Ces cinq enzymes permettent la conversion de l'érythritol en D-erythrose-4-P, un composé organique de la voie des Pentose Phosphate, ce qui constitue un fait unique à notre connaissance.  Ce point d’entrée atypique dans le réseau métabolique central suggère que le métabolisme de la bactérie pourrait fonctionner de manière particulière également  », explique Thibault Barbier.

Vers un vaccin sans effet abortif
Ces résultats ont des applications potentielles dans l'optimisation de la vaccination contre Brucella. En effet, aujourd’hui, certains vaccins provoquent l’avortement à cause de la multiplication de cette bactérie dans le système reproducteur. « Ceci pourrait sans doute être évité en interférant avec la nouvelle voie que nous venons de mettre au jour », s’enthousiasme Thibault Barbier.

De nombreuses questions restent encore sans réponse. D’où vient cet érythritol ? A quoi sert-il chez l’hôte? Est-il possible de bloquer sa synthèse ? Autant de nouvelles questions à élucider pour cette équipe de chercheurs talentueux !

A.C.


Cette découverte est le résultat d’une collaboration entre l’équipe Unit in Microorganisms Biology (URBM) de l’UNamur, et de l’équipe du Professeur Emile Van Schaftingen de l’Institut de Duve de l’Université catholique de Louvain, des équipes du Professeur Moriyon de l’Universidad de Navarra (Espagne) et du Professeur Wittmann de l’Universität des Saarlandes (Allemagne).
 

Contact : Thibault Barbier