Grandes conférences Namuroises: Silencieux, l’Univers donne un sens à notre existence
«L’Univers raisonnablement silencieux». C’est avec ce titre énigmatique que le passionné et passionnant professeur namurois, André Füzfa, a emmené son public à travers les mystères du cosmos. Immense, intelligible et inépuisable, comme cette dernière Grande Conférence Namuroise de la saison, l’Univers renvoie l’Homme au sens de son existence.
Dès l’Antiquité, l’Homme prend conscience qu’il est peu de chose face à l’Univers. Et pourtant, à cette époque, il est loin d’imaginer à quel point celui-ci est immense. Notre système solaire est composé de 8 planètes qui s’étendent jusqu’à 5 milliards de km du soleil (le diamètre de la terre n’est que de 12 000 km !). Les étoiles sont des astres, semblables au soleil, mais bien plus éloignés. La distance entre celui-ci et sa voisine la plus proche (Proxima Centauri) se mesure à 4 années lumières, soit quelques 40 000 milliards de kilomètres. Notre système solaire et ces étoiles constituent la Voie Lactée, galaxie au sein de laquelle le soleil n’occupe qu’une place périphérique. Les galaxies, qui contiennent chacune plusieurs centaines de milliards d’étoiles, sont innombrables et lointaines. Elles s’organisent en amas de galaxies qui s’organisent, eux-mêmes, en superamas… Oui, l’Univers est immense. Peut-être même infini…
« Le sentiment de l’absurde face à cette immensité ne peut que nous gagner. Et pourtant l’Univers ne nous est pas si étranger », répond André Füzfa. En effet, l’astronomie nous permet de l’observer, mais aussi d’en expliquer certains phénomènes et de les prédire. La cosmologie en étudie la structure et l’histoire. Pour ce faire, elle s’appuie sur la relativité générale d’Einstein. L’hypothèse fondamentale de la cosmologie moderne est le « principe cosmologique » qui postule que l’Univers est identique dans toutes les directions (isotropie) et qu’il est homogène, donc que nous n’occupons pas une place privilégiée en son sein. Introduit dans la relativité générale, il permet de déduire des équations dont il ressort que l'Univers doit avoir une géométrie dynamique, une histoire, une évolution. L'Univers connaît nécessairement une évolution qui se traduit par un mouvement d'ensemble des galaxies. « Ce mouvement a été observé pour la première fois par l’astronome américain Edwin Hubble qui constata que les galaxies se fuyaient les unes les autres. Georges Lemaître fit aussitôt le lien avec la dynamique de l’espace-temps prévue par la relativité générale combinée avec le principe cosmologique : ce fut la découverte de l’‘expansion cosmologique’. Cette expansion doit être vue comme un mouvement d’ensemble des évènements dans l’espace-temps : la distance qui les sépare s’accroît, trahissant une modification du champ gravitationnel moyen de l’Univers », explique le professeur.
«Notre existence ne tient-elle qu’à un fil?»
André Füzfa nous démontre ensuite, grâce à sa « machine à Big Bang* », que les modèles cosmologiques sont extrêmement sensibles à un changement, même infime, des paramètres fondamentaux. A partir de trois consoles, manipulées par le public, il joue sur les proportions d’énergie noire, de matière et la vitesse d’expansion de l’Univers (constante de Hubble). Le rapport entre ces paramètres, à un moment déterminé de l’histoire, crée des Univers différents, infinis ou non, en expansion ou en contraction, créant un big bang ou un big crunch (effondrement de l’Univers).Toute modification d’un de ces paramètres modifie donc l’Univers rendant notre existence impossible. « Notre existence ne tient-elle qu’à un fil ? » s’interroge alors le professeur.
Face à cette question, deux approches se dessinent : le finalisme et le mécanisme. Pour les illustrer André Füzfa fait appel à deux chercheuses, qui vont jouer le jeu. Eve-Aline prétend que l’Univers a un destin choisi que l’on peut attribuer à une intelligence (Dieu ou autre). Cette approche ’finaliste’ est, selon le professeur namurois, pseudo-scientifique. « Elle propose des éléments qui semblent scientifiques mais qui, en général, ne sont pas réfutables. Ces interprétations constituent le corps du créationnisme ». Sandrine défend quant à elle l’idée que notre existence ne peut pas être un hasard, un mystère ou un phénomène surnaturel. Notre Univers a une explication causale, matérialiste. Il est un ajustement de paramètres que nous comprendrons peut-être un jour. Son approche est celle du ‘mécanisme’, scientifique certes mais qui hélas n’aborde en rien la question de la place de l’être humain dans l’Univers.
André Füzfa l’a démontré tout au long de sa conférence : l’Univers est intelligible -puisque nous en comprenons bien des aspects- mais aussi inépuisable. C’est une vérité bien plus importante pour l’homme que tous les résultats scientifiques réunis. L’observation de l’Univers appelle à la découverte, au questionnement et à l’émerveillement. Elle apporte des réponses et fait progresser les connaissances. « Des mystères, des explications scientifiques, de nouvelles questions. La nuit n’est pas imperméable à nos questions. Nous y trouvons un écho à nos interrogations les plus profondes. Et ces échos font progresser notre vision du Monde, nous émerveillant, nous amenant à nous dépasser et nous en apprenant également plus sur nous-mêmes et nos propres capacités. », se réjouit le professeur. C’est donc un dialogue enrichissant qui s’installe entre l’homme et l’Univers. Une réponse à la question de notre existence semble se dessiner : « La science, en tant que démarche de dialogue avec ce cosmos si silencieux, aide l’être humain à se construire une place dans l’Univers », suggère André Füzfa, avant de conclure : « Il nous faut trouver une place dans l’Univers si nous voulons supporter toute cette immensité démesurée du monde. Et la place de l’être humain dans l’Univers, c’est de rompre le silence ».
*réalisée en collaboration avec la Société Superbe Interactive.
Plus d'info :
http://www.gcnamur.be/