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Le graphène étudié grâce aux mondes parallèles !

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Le graphène est une molécule constituée d'atomes de carbone formant une feuille à deux dimensions. Deux feuillets de graphène sont comme deux mondes à deux dimensions plongés dans un espace à trois dimensions.© M. Sarrazin, d'après James Hedberg

Etudier les feuillets de graphène à la lumière de la théorie des mondes branaires, telle est l’approche originale de Michaël Sarrazin, chercheur au Centre de Recherche en Physique de la Matière et du Rayonnement (Département de physique de l’Université de Namur) et membre du groupe de recherche CARBONNAGe, et de Fabrice Petit du Belgian Ceramic Research Center (Mons).

Pour comprendre la théorie des branes, utilisons une analogie. Si on dessine un personnage sur une feuille de papier, le personnage se trouve dans un monde en deux dimensions (celui de la feuille) qui se trouve lui-même dans un monde en trois dimensions. Mais le personnage qui est sur la feuille ne voit pas cette troisième dimension. Pour les physiciens qui travaillent sur la théorie des branes, notre univers à trois dimensions serait, comme la feuille de papier, plongé dans d’autres dimensions. Un autre monde branaire, que nous ne voyons pas, pourrait ainsi exister le long d’une autre dimension. S’ils existent, ces mondes branaires devraient pouvoir expliquer certains phénomènes de notre univers encore inexpliqués.

Michaël Sarrazin et Fabrice Petit sont alors partis de l’hypothèse que si ces mondes branaires existent, ils devaient avoir des effets faibles mais mesurables par exemple en électrodynamique et/ou en physique nucléaire. Sur cette base, ils ont créé un modèle qui montre que si notre univers est constitué d’au moins deux mondes branaires (le nôtre, visible, et un autre caché) alors on peut décrire cet univers comme un espace-temps à deux feuillets dans le cadre de la géométrie non commutative[1], peu importe la nature exacte des mondes branaires. L’avantage de ce modèle est qu’il permet de décrire facilement l’effet de branes cachées sur le comportement des particules (comme les neutrons par exemple) à très basse énergie. Il permet ainsi d’envisager des expériences pour tester une nouvelle physique sans forcément avoir recours aux complexes et coûteux accélérateurs de particules comme le LHC du CERN.

Les deux chercheurs ont ensuite appliqué ce modèle au graphène (matériaux prometteur qui s’obtient à partir du graphite et qui se présente sous la forme de feuillet en deux dimensions composé d’atomes arrangés selon un motif hexagonal) et plus particulièrement au bi-feuillet de graphène (deux feuillets de graphène parallèles). « Nous avions l’intuition qu’un feuillet de graphène pouvait être considéré comme une sorte de monde branaire (mais à deux dimensions et non plus à trois dimensions). Vérifier notre intuition relevait surtout de la curiosité scientifique au départ » explique Michaël Sarrazin. Une intuition ensuite démontrée dans un article publié dans le « European Physical Journal B». Appliqué au bi-feuillet de graphène, le modèle des deux chercheurs permet en effet de décrire, de comprendre et de prédire le fait que des « quasi particules », appelées « excitons », peuvent basculer d’un feuillet à l’autre… tout comme les particules qui pourraient basculer d’une brane à l’autre.

Le graphène est un matériau prometteur notamment dans les domaines de l’électronique et de l’optique. A Namur, il est étudié au sein du groupe interdisciplinaire CARBONNAGe. Les résultats de Michaël Sarrazin et Fabrice Petit devraient intéresser de nombreux laboratoires de recherche. Ils pourraient également représenter un moyen de tester, par analogie, les théories branaires. Une belle preuve du lien étroit entre la physique des particules et la physique du solide qui se nourrissent l’une et l’autre.



[1] La géométrie non commutative est un type de géométrie développée par le mathématicien français Alain Connes (médaille Fields en 1982. La médaille Fields est un peu le prix Nobel des mathématiciens).