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Le killifish des mangroves : une nouvelle espèce aux caractéristiques hors normes étudiée à l'URBE

Lorsqu'on parle d'évolution des espèces, on pense prioritairement au mécanisme de la sélection naturelle, chère à Darwin, qui permet à une population d'individus d'être la mieux adaptée à un environnement particulier. Toutefois, nous savons aujourd'hui que ce mécanisme n'est pas le seul existant et qu'il existe en parallèle une évolution dite "non-génétique", ou plus exactement "épigénétique". L'épigénétique comprend les mécanismes régulant l'expression des gènes et, in fine, l'expression des traits morphologiques, physiologiques et comportementaux d'un individu, soit ce que l'on nomme le phénotype.

Afin de comprendre ces mécanismes évolutifs, le FNRS a accordé un financement de quatre ans au laboratoire de Physiologie Adaptative et Evolutive du professeur Frédéric Silvestre (URBE). Ce projet est le premier à s'intéresser à ces mécanismes épigénétiques chez une espèce de poisson tout à fait hors norme, le killifish des mangroves (Kryptolebias marmoratus). Cette espèce vit le long des côtes de Floride, des Caraïbes, jusqu'en Amérique latine (Bélize, Guyane française, Brésil) dans des marais d'eau salée associés aux palétuviers rouges. Ce killifish, qui mesure au maximum 5 cm, présente des capacités d'adaptation extraordinaires. En plus de survivre à de fortes variations de température, de salinité ou de pH, il peut sortir de l'eau et vivre pendant plusieurs semaines à l'air libre, respirant alors uniquement à travers la peau. Cela amène certains à le qualifier de "poisson qui grimpe aux arbres" !

De plus, son mode de reproduction est tout à fait particulier puisqu'il n'existe aucune femelle ! On ne rencontre que des mâles ou des individus hermaphrodites. Ces derniers sont capables de se reproduire seuls par autofécondation, fait exceptionnel chez un vertébré. Il existe ainsi dans les mangroves, des populations de killifish qui sont constituées de clones, pour lesquels il n'existe aucune diversité génétique.

La question fondamentale de ce projet est dès lors de comprendre comment des mécanismes épigénétiques peuvent palier à ce manque de diversité génétique afin d'expliquer l'extraordinaire faculté d'adaptation de cette espèce et de comprendre les mécanismes évolutifs sous-jacents. Afin d'atteindre ces objectifs, plusieurs analyses de pointe seront réalisées en partenariat avec des laboratoires américains à l'Université de Californie Davis (Prof. Küeltz et Prof. Whitehead) ainsi qu'à l'Université d'Alabama (Prof. Earley).

Ce projet intégrera du séquençage à haut débit, des analyses protéomiques quantitatives, des analyses physiologiques et comportementales, des analyses écotoxicologiques, ainsi que des prélèvements dans les mangroves afin de développer un nouveau concept : l'épigénétique des populations. Deux jeunes chercheuses viennent de commencer une thèse de doctorat sur le sujet, une autre vient de commencer un mémoire de master en biologie des organismes et écologie, alors que deux chercheurs post-doctorants seront engagés dans les prochains mois. Une colonie de killifish est actuellement en cours de développement à l'UNamur à partir d'individus provenant de Floride (donnés par le Prof. Earley) et comporte déjà  deux cents individus.

Contact : Frédéric Silvestre - frederic.silvestre@unamur.be
Plus d'info : http://www.evolution-physiology.be